CRA du Mesnil-Amelot : la Cimade se retire pour dénoncer la dégradation des conditions de rétention
L’association La Cimade a cessé toute activité au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot depuis le 2 février. Elle dénonce une recrudescence de violences et de trop nombreux dysfonctionnements, dont des expulsions de demandeurs d’asile.
La Cimade indique s’être retirée depuis le 2 février du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, en région parisienne, et ce jusqu’à nouvel ordre. L’association y fournit un appui juridique aux personnes étrangères enfermées dans l’attente de leur expulsion.
« Les situations de violations du droit sont tellement nombreuses que l’exercice de notre mission au CRA est rendu impossible », affirme Louise Lecaudey, coordinatrice des intervenants juridiques au CRA, jointe par InfoMigrants.
« Ça fait plusieurs mois qu’on constate des violences policières, des violences entre personnes retenues, des pratiques illégales des préfectures comme des expulsions de personnes qui ont des recours suspensifs ou des demandes d’asile », ajoute la responsable.
Pour les onze salariés de l’association, présents quotidiennement dans ce centre, la dégradation des conditions de rétention aboutit à une « impossibilité manifeste » d’y assurer leur mission, selon le communiqué publié par la Cimade le mardi 7 février.
Systématisation des OQTF
Selon Louise Lecaudey, la situation s’est considérablement dégradée suite à la publication de la circulaire du 17 novembre 2022. Ce texte enjoint les préfets à expulser davantage et avec plus de fermeté. La « systématisation » des obligations de quitter le territoire français (OQTF) pousse la police aux frontières (PAF) à placer en rétention des personnes qui en sont parfois protégées, sans examen préalable de leur situation.
Cette précipitation entraîne de graves violations du droit. S’il est déjà arrivé que des Français soient placés en rétention par erreur, il s’agit le plus souvent de personnes en procédure d’asile ou ayant effectué un recours suspensif.
Selon les chiffres de la Cimade, au moins 11 personnes ont fait l’objet d’une expulsion illégale au Mesnil-Amelot depuis le 1er janvier 2023.
« Les policiers eux-mêmes sont dépassés »
Autre conséquence du recours aux OQTF, l’enfermement de personnes vulnérables, présentant parfois des troubles psychiatriques importants. La Cimade souligne que ces personnes « représentent un danger pour elle-même ou pour les autres », et devraient faire l’objet d’une prise en charge médicale adéquate plutôt que d’un placement en rétention.
Ces situations semblent ainsi découler de la politique mise en place par le gouvernement. « Les policiers eux-mêmes sont dépassés, estime Louise Lecaudey, « Les directions des CRA sont obligées d’appliquer les circulaires et subissent une grosse pression ». Avec ses 150 places, le plus grand CRA de France cristallise donc les tensions.
Depuis décembre 2022, l’équipe de la Cimade au CRA du Mesnil-Amelot tient un compte Twitter, sur lequel elle relate régulièrement des cas de violences ou d’expulsions illégales. À l’été 2019, l’association s’était déjà retirée pour dénoncer les nombreux dysfonctionnements. Elle avait repris ses activités au terme de trois semaines de négociations avec le ministère de l’Intérieur.
L’accès à une assistance juridique gratuite dans les centres de rétention est une obligation inscrite dans le droit européen depuis 2008. La Cimade, à laquelle l’État français a délégué cette mission au CRA du Mesnil-Amelot, espère pouvoir y reprendre ses activités au plus vite.
Sources : www.infomigrants.net