Ludovic N., un Camerounais survivant d’un drame migratoire datant de 2014 a porté plainte devant le Comité des Nations Unies contre la torture. L’exilé demande réparation après la noyade d’au moins 15 personnes qui tentaient de rejoindre Ceuta depuis le Maroc à la nage. Il accuse les autorités espagnoles de « massacre ».
Un survivant d’un drame migratoire à Ceuta a saisi le Comité des Nations Unies contre la torture, a annoncé mercredi 31 janvier l’ONG allemande qui le soutient. L’histoire de ce garçon, Ludovic N., est liée à un dramatique événement au cours duquel au moins 15 personnes sont mortes il y a 10 ans en tentant de rejoindre à la nage l’enclave espagnole.
Le 6 février 2014, des exilés originaire d’Afrique subsaharienne se sont noyés en tentant d’atteindre la plage de Tarajal à Ceuta. Selon les témoignages de survivants et l’ONG Caminando Fronteras, la Garde civile espagnole avait tiré ce jour-là des balles en caoutchouc en leur direction, crevant les bouées auxquelles ils s’accrochaient.
« Alors qu’il était dans l’eau, Ludovic N. a entendu des coups de feu et des cris. Il n’a pas eu le temps de découvrir ce qui se passait : il y eut le coup violent qui lui déchira la peau jusqu’au sang », peut-on lire dans le récit d’El Pais. « Il s’agissait d’un des agents de la Garde civile espagnole qui lui lançait des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes »
Les autorités espagnoles nient cette version des faits. Elles ont seulement reconnu l’usage de « moyens de dissuasion » contre « l’agressivité » des migrants qui auraient « lancé des pierres contre les agents » et « adopté une attitude très violente ».
La justice espagnole ayant classé l’affaire, le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR) a donc déposé une plainte au nom de Ludovic N., dans l’espoir que le comité de l’ONU contre la torture demande à l’Espagne de rouvrir le dossier.
« Les victimes de Tarajal ont le droit de demander [à la justice espagnole] d’examiner cette affaire », a déclaré Hanaa Hakiki, une juriste de ECCHR basé à Berlin, lors d’une conférence de presse à Madrid.
Jamais entendu par la justice espagnole
Âgé de 15 ans à l’époque, Ludovic N., de nationalité camerounaise, a affirmé, dans une vidéo diffusée par l’ONG, qu’il avait été ce jour-là « agressé » et « refoulé » par les forces de l’ordre espagnoles, responsables, selon lui, d’un « massacre ».
Il dénonce aussi le fait de ne jamais avoir été entendu par la justice espagnole. Cette dernière avait inculpé un temps 16 gardes civils, avant d’abandonner les poursuites. La plus haute cour pénale du pays, le tribunal suprême, a définitivement classé l’affaire en 2022 après plusieurs réouvertures du dossier.
« La vérité, la justice et la réparation » sont nécessaires afin de donner aux victimes la « garantie » qu’un tel drame « ne se produira plus à nos frontières », a insisté Elena Muñoz, juriste au sein de la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR), qui a déposé un recours en cassation devant le tribunal constitutionnel après le classement de l’affaire par le tribunal suprême en 2022.
Ce drame de la plage de Tarajal demeure l’un des plus meurtriers dans cette enclave située sur la côte nord du Maroc.
Cette même plage de Ceuta avait déjà fait la une de l’actualité en mai 2021, quand près de 10 000 migrants s’y étaient rendus en quelques heures.
Mais le bilan le plus lourd pour une tentative d’intrusion dans les enclaves espagnoles avait été enregistré le 24 juin 2022, lorsqu’au moins 23 migrants étaient morts en tentant de pénétrer à Melilla, selon les autorités marocaines. À l’heure actuelle, ni les garde-frontières marocains ni leurs homologues espagnols n’ont été inquiétés par la justice.
L’ONG Amnesty international et des experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU ont eux évoqué un bilan d’au moins 37 morts.
Sources : https://www.infomigrants.net/