Le Parlement albanais valide l’accord migratoire avec l’Italie
Le Parlement albanais a donné jeudi l’ultime feu vert à l’accord migratoire avec l’Italie. Dans le cadre de ce partenariat, Rome va envoyer à Tirana les exilés secourus en mer Méditerranée par les garde-côtes italiens. Deux centres seront construits d’ici le printemps prochain sur le sol albanais pour prendre en charge les demandeurs d’asile.
C’était la dernière étape pour rendre effectif l’accord entre Rome et Tirana. Après le Sénat italien la semaine dernière, c’est au tour du Parlement albanais de donner jeudi 22 février l’ultime feu vert au partenariat visant à externaliser les demandes d’asile.
Avec 77 voix pour, sur les 140 que compte le Parlement albanais, la version finale du texte a été adopté dans la matinée, grâce au vote de la majorité socialiste et d’une petite formation d’opposition, le parti pour la Justice, l’intégrité et l’unité (PDIU). L’opposition de droite, qui perturbe la tenue des séances du Parlement depuis plusieurs semaines, n’a pas participé au vote.
En vertu de cet accord signé en novembre dernier, l’Albanie va accueillir les exilés secourus en mer par les garde-côtes italiens dans deux centres, financés par l’Italie. Le premier installé dans le port de Shëngjin (nord) servira à l’enregistrement des demandeurs d’asile. La structure sera construite sur un périmètre d’environ 240 mètres, et sera entourée d’une clôture de quatre mètres de haut, rehaussée de barbelés. Le deuxième, construit à Gjader (nord), hébergera les migrants dans l’attente du traitement de leur dossier.
Ouverture des centres au printemps prochain
Les deux centres seront gérés par Rome sur le territoire d’un pays qui ne fait pas partie de l’Union européenne (UE), mais qui y aspire. Ils devraient ouvrir au printemps 2024. Leur coût est estimé entre 650 et 750 millions d’euros sur cinq ans.
Les dépenses pour la construction des deux camps et des infrastructures nécessaires pour leur fonctionnement, la sécurité ainsi que la prise en charge médicale des demandeurs d’asile, seront couvertes à 100% par la partie italienne, selon Tirana.

Les autorités italiennes seront aussi chargées du maintien de l’ordre dans les centres, la police albanaise en étant responsable à l’extérieur et lors du « transport des migrants d’une zone à une autre ».
L’Albanie s’est engagée à prendre en charge jusqu’à 3 000 personnes à pleine capacité dans ces structures. Evoquant lundi cet accord, la Première ministre italienne d’extrême droite, Giorgia Meloni, avait indiqué que 36 000 migrants par an pourraient passer par les camps albanais, mais que la réalisation de cet objectif dépendait de la rapidité avec laquelle l’Italie pourrait traiter les demandes d’asile.
« Une sorte de Guantanamo italien »
Le projet de loi a été vivement critiqué dans les deux pays, dès son annonce en fin d’année dernière. Pour l’opposition albanaise, l’accord constitue un renoncement à la souveraineté territoriale. La droite accuse aussi le gouvernement du socialiste Edi Rama de mettre en danger « la sécurité nationale ».
Le député italien et secrétaire du parti d’opposition Più Europa, Riccardo Magi, avait quant à lui fustigé « une sorte de Guantanamo italien, en dehors de toute norme internationale, en dehors de l’UE, sans la possibilité de contrôler la détention des personnes enfermées dans ces centres ».
Plus récemment, Amnesty International estimait que cet accord « risqu[ait] de mettre des vies en péril, et toucherait des personnes en situation déjà vulnérable du fait des circonstances de leur déplacement, ouvrant ainsi un chapitre peu glorieux pour l’Italie. » Par ailleurs, selon l’ONG, « aux termes du droit international, la détention automatique est par nature arbitraire et, par conséquent, illégale ».
Depuis son arrivée au pouvoir fin 2022, Giorgia Meloni a fait de la lutte contre l’immigration irrégulière sa priorité. Elle a multiplié les mesures visant à restreindre le droit d’asile en Italie et les activités de sauvetage des navires humanitaires en mer Méditerranée.
Une politique qui n’a pas eu d’incidence sur les arrivées de migrants, au contraire. L’an dernier, plus de 158 000 exilés sont arrivés sur le sol italien, contre quelque 105 000 en 2022, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur.
Sources: infomigrants.net