Nord de la France : l’État abandonne un projet de barrage flottant anti-migrants près de Gravelines
L’État a abandonné le projet d’installer un nouveau barrage flottant sur le canal de l’Aa, entre Gravelines et Grand-Fort-Philippe, dans le Nord de la France, à mi-chemin entre Calais et Dunkerque. Trois de ces dispositifs visant à empêcher les exilés de traverser la Manche existent déjà sur ce territoire.
Très décrié par les associations et les plaisanciers, le projet de nouveau barrage flottant situé entre Gravelines et Grand-Fort-Philippe a été abandonné, selon le Phare dunkerquois. Ce projet avait été annoncé début novembre lors d’un déplacement de représentants de la préfecture maritime, des forces de l’ordre et du Royaume-Uni.
Et il avait immédiatement suscité la controverse. Il a été dénoncé dans un premier temps par les plaisanciers locaux. Début novembre, environ 200 personnes se sont réunies à la marina de Gravelines pour manifester contre ce projet sur le chenal de l’Aa.
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Les associations d’aide aux migrants sont aussi contre ces dispositifs jugés « inutiles ». « Ce genre de dispositif pousse les exilés à aller encore plus loin. Ça ne fait que doubler le temps de traversée et les risques qui vont avec », expliquait Pierre Roques, délégué général de l’Auberge des migrants, à InfoMigrants. « Il y a toujours autant de personnes qui passent quelles que soient les dispositions », résume Pierre Roques.
« Cela va juste empêcher les départs depuis le chenal de l’Aa et déplacer l’endroit de la traversée va forcément amener les exilés à prendre plus de risques », abondait de son côté Angèle Vettorello, coordinatrice d’Utopia 56 à Calais dans la Voix du Nord.
Contrer les « taxi-boats »
Concrètement, le barrage consiste en l’installation d’une ligne de bouées qui traversent le fleuve de part en part, fixées à deux piliers en béton. Avec ce dispositif, les autorités visent un mode opératoire utilisé par les passeurs en particulier : celui des « taxi-boats ». Il s’agit de bateaux pneumatiques partant plus au sud du littoral, où les contrôles sont moins fréquents, avec quelques personnes seulement – passeurs ou migrants – à bord.
Ils mettent dans un premier temps le cap au nord, vers les plages plus proches de Calais, où se cachent les passagers ayant payé pour la traversée. Ceux-ci se jettent alors à l’eau pour embarquer : selon le droit maritime, les policiers ne peuvent pas interpeller les bateaux déjà en mer. Selon la préfecture, ce phénomène « dangereux et illégal » est « monté en puissance » en 2023.
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Le nord de la France compte trois autres installations de ce type : un au niveau du Pont Rose d’Étaples, sur les berges de la Canche, un dans l’Authie construit en amont du port de la Madelon (près du Fort-Mahon) et un autre dans le canal des Dunes, près de Dunkerque inauguré en 2021. Selon la préfecture du département, ce genre de dispositif a « des résultats satisfaisants ».
Année meurtrière
En tout cas, les traversées vers le Royaume-Uni depuis le littoral français sont toujours très nombreuses. Si la semaine dernière, aucune embarcation n’est arrivée sur les côtes anglaises, la semaine d’avant a été au contraire sujettes à de nombreuses traversées, selon le Home Office. En seulement trois jours, du 12 au 14 décembre, pas moins de 1 067 personnes ont réussi à atteindre les côtes anglaises à bord de 17 embarcations. Dans le même temps, 1 140 ont été empêchés de partir par les forces de l’ordre françaises, toujours selon les chiffres des autorités anglaises.
Et depuis janvier, plus de 30 000 personnes ont ainsi débarqué au Royaume-Uni après une périlleuse traversée de la Manche. Ce chiffre dépasse déjà celui de 2023, mais on est encore loin du record enregistré en 2022 avec l’arrivée de 45 000 personnes.
L’année 2024 est, en revanche, la plus coûteuse en terme de vies humaines depuis l’apparition en 2018 du phénomène des traversées de la Manche sur des « small boats ». Au moins 73 candidats à l’exil sont décédés en tentant de traverser la Manche pour rejoindre l’Angleterre depuis le début de l’année, selon les chiffres de la préfecture du Pas-de-Calais.
Un chiffre qui pourrait encore être revu à la hausse après l’identification des corps, pour le moment anonymes, retrouvés sur les plages. Plusieurs exilés sont notamment portés disparus, notamment depuis le naufrage du 23 octobre, lors duquel trois décès ont été officiellement déclarés.
Sources: infomigrants.net