C’est grâce à un compromis trouvé ce dimanche soir par les conservateurs, sur la limitation à 200.000 par an du nombre des demandeurs d’asile, que la machine politique allemande s’est remise en marche. Soit deux semaines après les élections. Comme l’a annoncé Angela Merkel ce lundi 9 octobre, ceci va permettre à l’Union conservatrice (CDU/CSU) de parler enfin d’une seule voix et de lancer des « entretiens exploratoires » avec le parti libéral (FDP) et les écologistes (Bündnis90/Die Grünen) dès le mercredi 18 octobre. C’est le premier acte des très longues négociations qui précèdent toute formation de gouvernement en Allemagne.
Pour comprendre la portée de l’accord interne des conservateurs, il faut se rappeler que la conséquente et généreuse politique d’accueil des réfugiés décrétée par Angela Merkel en 2015, et qui a conduit à l’accueil de plus d’un million de réfugiés en Allemagne, a déclenché de fortes réactions de peur et de rejet chez une partie de la population allemande et dans l’aile droite du camp conservateur. C’est sur cette peur que le parti national-conservateur Alternative pour l’Allemagne s’est appuyé pour devenir, en moins de cinq ans d’existence, le troisième plus gros parti allemand au Bundestag. C’est aussi en grande partie à cause de cette situation que le parti de Merkel, bien que victorieux, a enregistré l’un de ses pires résultats (32,9%) le 24 septembre.
Fragilisé dans sa région et son parti, le patron du parti chrétien-social (CSU) et ministre-président bavarois Horst Seehofer a opté pour une stratégie de droitisation, espérant couper l’herbe sous les pieds de l’AfD. Et parmi les conditions posées pour soutenir Angela Merkel, il exige depuis plus d’un an l’adoption d’une « limite supérieure légale » de 200.000 demandeurs d’asile par an. Mais répondre à cette demande n’est pas seulement contraire à l’avis de la CDU, des Libéraux et des Verts. Cela supposerait aussi de refondre le droit d’asile allemand.
Angela Merkel a donc toujours bloqué sur la « limite supérieure » de Seehofer. Au moins jusqu’à ce dimanche : « Nous voulons obtenir que le nombre total d’accueils pour des raisons humanitaires… ne dépasse pas les 200.000 personnes par an », explique le texte de l’accord « qui débloque tout ». Le communiqué précise aussi que ce chiffre pourra être revu à la hausse ou à la baisse par le gouvernement fédéral et le Bundestag. Horst Seehofer ayant obtenu la mention de « 200.000 personnes par an », il s’est déclaré satisfait et prêt à négocier avec les autres partis. Quant à la chancelière, elle s’en contente. Le texte ne mentionne en effet qu’un objectif modulable et aucunement une « limite légale ».
Salué par la droite, cet accord a été qualifié de mascarade par l’AfD. Quant aux écologistes, ils assurent qu’il ne survivra pas aux premières négociations pour la coalition. En réalité, cet accord permet surtout à Horst Seehofer de « sauver la face » momentanément. « Dans une coalition, les petits partis doivent forcément imposer une ou deux idées fortes de leur programme pour conserver leur identité et survivre », décrypte le politologue Gero Neugebauer. Si cette règle se confirme, les négociations qui s’annoncent entre conservateurs, Verts et libéraux, devraient être musclées sur la question d’une nouvelle loi sur l’immigration, sur celle de l’arrêt des centrales au charbon ou encore sur les orientations de la future réforme fiscale.
Sources : marianne.net