Un Africain a été poignardé à mort dimanche dans le camp de Moria sur l’île de Lesbos, a appris InfoMigrants. Ce nouveau drame fait suite à une cinquième prolongation du confinement dans les camps de migrants sous tension en Grèce, alors que le reste de la population est déconfinée depuis plus de deux mois.
« J’ai vu la scène de mes propres yeux ». C’est encore sous le choc qu’un Palestinien a raconté à InfoMigrants avoir été témoin de l’attaque mortelle d’un migrant africain de 19 ans, dimanche 5 juillet, au camp de Moria sur l’île de Lesbos en Grèce. « Un Afghan a poignardé à plusieurs reprises un Africain pour lui voler son portable », affirme le jeune homme qui souhaite garder l’anonymat par craintes de représailles.
« Il faut dire, souligne-t-il, qu’il y a de gros problèmes de racisme à Moria. Les personnes qui ont la peau noire ne sont pas considérées comme les autres, ils se font régulièrement attaquer, insulter », se désole-t-il. S’ajoutent « de plus en plus de tensions » à cause de la cinquième prolongation du confinement dans les camps de migrants alors que le reste de la population grecque, lui, a repris une vie normale depuis plus de deux mois.
Pour manifester leur mécontentement, un groupe de migrants a commencé, lundi midi, à bloquer l’entrée des convois de ravitaillements alimentaires, rapporte un Syrien de Moria, en contact avec InfoMigrants. Une autre manifestation a démarré mardi matin avant d’être dispersée par la police anti-émeute usant de gaz lacrymogène, selon Franziska Grillmeier, une journaliste basée à Lesbos. Le but de ces rassemblements, explique le Syrien, est de faire réagir les autorités et de « libérer » les demandeurs d’asile coincés dans les camps depuis le 21 mars.
« Une tragédie qui aurait pu être évitée »
« La mort de ce migrant africain est une tragédie qui aurait pu être évitée », déplore de son côté une porte-parole de Médecins sans frontières (MSF), jointe par InfoMigrants, confirmant « la violence croissante et la détérioration de la sécurité » dans le camp. « Les conditions de vie horribles, le surpeuplement extrême et l’extension du [confinement] sont tous des facteurs qui exacerbent une réalité déjà désastreuse pour des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. »
Plus de 32 000 demandeurs d’asile, dont environ 15 000 à Moria, s’entassent actuellement dans les cinq camps des îles de la mer Égée ne disposant que d’une capacité d’accueil totale de 5 400 places. « Ces circonstances, conjuguées à l’accès limité aux services, au manque d’accès aux soins médicaux et à l’insécurité, constituent le terrain idéal pour que les tensions et la violence augmentent », poursuit la porte-parole de MSF. D’autant plus que les mesures de distanciation sociale et autres gestes barrières sont impraticables sur place. Dans certaines zones du camp de Moria, à la fin mars, on ne comptait qu’un seul robinet d’eau accessible pour 1 300 personnes. À la fin avril, on dénombrait 210 personnes par toilette et plus de 630 par douche.
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MSF en appelle à la responsabilité du gouvernement grec et de Bruxelles. « Nous avons vu l’impact de ces conditions cauchemardesques sur la santé physique et mentale de nos patients. Le confinement dans les camps, qui sert de facto de détention discriminatoire, doit être levé. Et la décongestion des îles doit se poursuivre, les personnes les plus vulnérables et celles à haut risque pour le Covid-19 devant être déplacées immédiatement vers des logements sûrs », a ajouté la porte-parole de l’ONG.
Le ministère grec des Migrations a prolongé, samedi, le confinement dans les camps de migrants jusqu’au 19 juillet au moins. Les exilés ne peuvent sortir de l’enceinte de leur camp qu’entre 7h et 21h, par petit groupe de moins de 10 et dans la limite de 150 personnes par heure. Le reste de la population grecque est déconfinée depuis le 4 mai. La Grèce a été peu touchée par la pandémie : un peu plus de 3 500 cas pour 192 décès ont été recensés, selon le décompte mondial en temps réels effectué par l’université américaine Johns Hopkins.
Sources : https://www.infomigrants.net/