23 jours d’attente et 27 migrants à bord : situation »intenable » et floue sur le Maersk Etienne
Depuis plus de trois semaines, le navire marchand Maersk Etienne, qui a porté secours en mer à 27 migrants fuyant la Libye, est dans l’attente d’un port où débarquer. Une attente inédite par sa longueur. À bord, la situation reste floue.
Il s’agit officiellement de l’attente en mer la plus longue de l’histoire pour un bateau ayant secouru des migrants. Le Maersk Etienne, un navire pétrolier danois, attend désormais depuis 23 jours au large de Malte avec, à son bord, 27 migrants.
»Cette situation est intenable », s’offusque Maria Skipper Schwenn, directrice de Danish Shipping, entreprise qui chapeaute Maersk Tankers, la société qui gère le pétrolier. Maersk Tankers, tout comme les membres de l’équipage du navire, refusent, eux, de communiquer directement sur les événements.
»L’ambiance devient de plus en plus tendue chaque jour, relaie, pour sa part, Maria Skipper Schwenn. L’équipage [constitué de 21 membres] fait de son mieux pour répondre aux besoins des migrants mais un pétrolier n’est pas l’endroit adéquat pour des personnes en détresse. Et les migrants sont de plus en plus inquiets. Ils viennent pour la plupart d’Afrique, ils ont fait de longs voyages éprouvants pour arriver jusqu’ici, et maintenant, ce qu’ils veulent, c’est passer à l’étape d’après.
Ces 27 personnes, dont une seule femme, parties de Libye, avaient été secourues le 4 août sur demande des autorités maltaises, après avoir passé des jours à dériver en mer. Sauvés in extremis des eaux de la Méditerranée, les migrants avaient vu leur petite embarcation de bois bleue sombrer aussitôt sous leurs yeux.
Depuis, le Maersk Etienne a jeté l’ancre non loin de Malte dans l’espoir d’être autorisé à débarquer ces migrants repêchés dans une zone maritime sous contrôle tunisien. Mais les autorités maltaises et tunisiennes, toutes deux contactées, n’ont pas accédé à la requête du Maersk Etienne. »Le navire, qui a rempli son devoir d’aide aux personnes en détresse en mer, se retrouve otage du conflit politique en Europe autour de la question des migrants », ajoute Maria Skipper Schwenn.
»Informations limitées »
Sur le bateau, en attendant une issue, on assure se débrouiller avec les moyens du bord. De la nourriture, de l’eau et des couvertures ont été mises à la disposition des rescapés et un endroit abrité leur permet de dormir protégés d’éventuelles intempéries. »L’équipage n’a pour l’instant besoin de rien mais cela ne peut pas durer plus longtemps. Les réserves de nourriture s’amenuisent », continue Maria Skipper Schwenn.
L’ONG Sea-Watch, qui vient en aide aux migrants en mer Méditerranée, a de son côté offert son aide au pétrolier. »Ils nous ont répondu qu’ils n’en avaient pas besoin », explique, sans cacher son étonnement, Felix Weiss, en charge des relations avec la presse pour l’ONG allemande, qui déplore des »informations limitées » venant de l’équipage.
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»Il s’agit de l’attente la plus longue en mer d’un navire avec des migrants à bord, la situation doit forcément être catastrophique, estime Felix Weiss. Les rescapés doivent être traumatisés et souffrir de brûlures à cause de l’eau salée et de l’essence émanant de leur embarcation. Nous avons entendu dire qu’ils dormaient sur le pont du bateau. Ces personnes doivent être prises en charge médicalement de toute urgence. » D’autant qu’aucun docteur n’est présent sur le bateau.
Mais Maria Skipper Schwenn évoque seulement des problèmes de santé »légers » repérés parmi la population migrante. »Certains souffrent d’infections aux oreilles, d’autres de maux de ventre. Ils ont pu être soignés à l’aide de kits médicaux de base. »
Contacté par InfoMigrants, le capitaine du bateau, Kis Soegaard, n’a pas apporté de précisions sur la situation à bord.
Le Maersk Etienne serait en contact étroit avec les autorités danoises qui »travaillent jour et nuit » pour trouver une solution, précise encore Maria Skipper Schwenn.
La situation de ce bateau rappelle celle du Talia, navire de transport d’animaux, en juillet. Ce bateau libanais avait attendu des jours en mer après avoir secouru 50 migrants, avant d’être autorisé à débarquer à Malte le 7 juillet. Les autorités maltaises ont, elles, à plusieurs reprises fait savoir qu’elles refusaient de prendre en charge tous les rescapés de la Méditerranée.
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