Racket de travailleurs sans-papiers : « Si je voulais continuer à travailler, je devais lui donner 400 euros par mois »
Des travailleurs sans-papiers de l’entreprise de ramassage de déchets, Sépur, sont en grève depuis le 11 octobre. Ils réclament leur régularisation pour mettre fin, entre autres, à des pratiques de racket. Plusieurs d’entres eux se disent victimes d’extorsion par leurs chefs de dépôt. Ils prévoient de déposer plainte.
L’heure est à la lutte sociale pour les travailleurs sans-papiers de l’entreprise de ramassage de déchets Sépur. Ils sont des dizaines à s’être mis en grève depuis le 11 octobre pour obtenir leur régularisation. Parmi eux, plusieurs ont une raison supplémentaire de se battre.
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Nedjif, Baradji, Malle et Mohamet ont en commun d’être employés comme ripeurs, du nom de ces personnes qui collectent les poubelles et les vident dans la benne. Ils disent avoir été contraints de verser une partie de leur salaire à leurs chefs de dépôt pour conserver leur emploi. Avec d’autres employés victimes du même système, ils s’apprêtent à déposer une plainte.
Nedjif, Baradji, Malle travaillent au dépôt de Villejust (Essonne) et décrivent un système de d’extorsion bien organisé et géré par au moins deux chefs.
Employé à Sépur depuis mars 2019, Nedjif se souvient du moment où, en juin dernier, l’un de ces chefs lui a expliqué que s’il voulait continuer à travailler, il allait « devoir lui donner 10% de [son] salaire ». « En échange, il me promettait de me faire travailler beaucoup d’heures », explique le jeune homme.
« Je pouvais travailler mais c’était payant »
Malle, lui, a été soumis à ce système dès son embauche, début 2021. Ce Malien de 30 ans, qui en paraît dix de moins, raconte que dès le jour de son inscription au dépôt de Villejust, ses chefs ont su que les papiers d’identité qu’il présentait n’étaient pas les siens. « L’un d’eux m’a dit que je pouvais travailler mais que c’était payant. Il fallait que je lui donne 10 % de mon salaire. »
Les salaires des ripeurs tournent autour de 1 500 euros mais peuvent varier d’un mois à l’autre, selon le nombre d’heures de travail effectuées. Nedjif et les autres doivent généralement remettre entre 150 et 200 euros à leurs supérieurs. Mais certains n’hésitent pas à exiger encore plus.
« En décembre 2020, un responsable m’a dit qu’il savait que ce n’était pas mes papiers. Il m’a dit que si je voulais continuer à travailler, je devais lui verser 400 euros tous les mois », raconte Mohamet, qui travaille depuis deux ans comme ripeur pour Sépur au dépôt de Villeparisis (Seine-et-Marne).
« Parfois, il ne me reste que 100 euros pour vivre »
Mohamet n’a rejoint la grève que lundi 1er novembre. Avant son arrivée au piquet de grève installé devant l’Hôtel de ville de Bobigny, il ignorait qu’une plainte se préparait. Très discret, il se dit soulagé d’avoir découvert qu’il n’était pas le seul à subir cette injustice.
Soulagé aussi de réaliser que cette plainte pourrait le libérer de l’emprise de son chef. À l’écart des autres, le jeune homme confie presque à voix basse sa détresse : « En plus des 400 euros que je donne au chef, je dois payer 150 euros par mois le foyer où je dors, j’envoie aussi de l’argent à ma famille au Mali. Parfois, il ne me reste que 100 euros pour vivre. »
source : https://www.infomigrants.net/