Libye : les migrants ont, plus que jamais, besoin d’aide humanitaire en 2022
Malgré la diminution de la violence armée en Libye, quelque 200 000 personnes auront toujours besoin d’aide humanitaire dans le pays, en 2022. Parmi elles, plus de 80 000 sont migrantes ou réfugiées. Beaucoup vivent en détention ou bien ont été expulsées de leur logement. Face à cette situation, la coordination des affaires humanitaires des Nations unies pour la Libye a décidé de poursuivre, exceptionnellement, le financement de son plan d’aide jusqu’en mai 2022.
En Libye, une partie des 200 000 personnes, considérées comme particulièrement vulnérables par les Nations unies, ont vu leurs conditions de vie s’améliorer en 2021. Notamment grâce à la fin de la plupart des conflits armés. Mais, pour les quelque 80 000 personnes migrantes et réfugiées dans le pays, l’année a été particulièrement difficile.
Pour les aider elles, et les autres types de populations vulnérables (déplacés internes, personnes handicapées…), et faire face aux difficultés engendrées par la lutte contre la pandémie de Covid-19, la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA, selon l’acronyme anglais) pour la Libye a annoncé, lundi 27 décembre, le prolongement exceptionnel du financement de son plan d’aide pour 2021, jusqu’en mai 2022.
C’est principalement en raison de la hausse des interceptions d’embarcations de migrants en mer Méditerranée que la situation des exilés s’est dégradée. « Le nombre de migrants interceptés au cours de la première moitié de l’année [2021] est supérieur au total de l’année 2020, avec les décès et disparitions que cela engendre », souligne l’OCHA, dans son plan d’intervention humanitaire en Libye pour 2022.
Le 25 décembre, 28 corps de migrants ont été récupérés par les équipes du Croissant-Rouge sur les plages d’Al-Alous à 120 kilomètres à l’ouest de la capitale Tripoli. « L’état des corps en décomposition avancée indique que le naufrage est survenu il y a quelques jours », a déclaré un responsable sécuritaire local.
Explosion du nombre de personnes en détention
Autre cause de dégradation des conditions de vie des exilés en Libye : les violentes opérations policières menées début octobre dans plusieurs grandes villes. Celles-ci ont conduit à des expulsions de logements, des violences et des incarcérations massives. C’est notamment le cas dans la ville de Zouara, où des affiches menaçant les migrants d’expulsion et d’emprisonnement en cas d’absence de papiers d’identité avaient fait leur apparition.
À Tripoli, le quartier de Gargaresh a été particulièrement visé et des centaines de familles ont dû quitter leur logement, se retrouvant à la rue ou en détention. Ces rafles « ont fait gonfler la population dans les centres de détention, malgré le manque d’espace, de services et d’accès à une aide humanitaire vitale », dénonce l’OCHA.
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L’organisation avance que les interceptions de migrants en mer et les expulsions du mois d’octobre ont fait passer le nombre d’exilés emprisonnés « de 1 100 en janvier, à près de 6 000 en août, puis à plus de 10 000 pendant la répression sécuritaire d’octobre, pour s’établir à 5 738 fin novembre ».
Cette surpopulation a rendu les conditions de vie des migrants en centres de détention encore plus difficiles qu’elles ne l’étaient avant les expulsions. InfoMigrants recueille régulièrement le témoignage de personnes ayant subi des violences, des vols, des actes dégradants et des agressions sexuelles en prison.
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« La Libye n’est pas partie à la Convention de 1951 sur les réfugiés et ne dispose d’aucune législation concernant le statut et le traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile. Les réfugiés sont considérés comme des ‘migrants illégaux’ par la législation nationale et peuvent être détenus pour une durée indéterminée », rappelle encore l’OCHA.
« Discrimination et attaques xénophobes »
« Les migrants et les réfugiés originaires des pays subsahariens et de la Corne de l’Afrique continuent d’être victimes de discrimination et d’attaques xénophobes », dénonce également l’OCHA dans son document. Depuis l’été 2021, les cas de violences contre les migrants se multiplient en Libye. Et les auteurs peuvent être aussi bien des policiers que de simples passants. Plusieurs personnes ont raconté à InfoMigrants s’être fait tirer dessus en pleine rue, « sans raison ».
Ibrahima vit à Zouara. Dans l’un des quartiers de la ville, « les Noirs sont régulièrement agressés par la police », affirmait, en juillet, à InfoMigrants ce Guinéen de 17 ans. L’adolescent décrivait une ambiance de danger permanent pour les étrangers à la peau foncée : « quand tu rentres chez toi, on peut te mettre dans un véhicule, te tabasser et t’envoyer dans le désert près de Sabratha ».
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Cette multiplication des exactions s’explique par la fin des combats en Libye après le cessez-le-feu d’octobre 2020. « Les groupes armés ne combattent plus et n’ont plus de revenus liés à la guerre. Ils se tournent donc vers les migrants » pour leur extorquer de l’argent, analysait alors Liam Kelly, du Danish Refugee Council.
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Source: https://www.infomigrants.net