Une vingtaine de jeunes femmes du camp de réfugiés de Minawao ont pu assister à un match de la Coupe d’Afrique des nations qui se déroule actuellement au Cameroun.
Tout y était. L’ambiance festive du stade, des buts en cascade, et à la fin, une large victoire de leur équipe. Saratu Yakubu et Lucy Bitrus ont célébré chaque possession de balle du Nigeria lors de sa victoire 3-1 contre le Soudan pendant les phases de poule de la CAN, le 15 janvier dernier, dans le stade de Garoua, au nord du Cameroun.
Les deux jeunes femmes ont fait partie d’un groupe de 25 réfugiées du camp de déplacés de Minawao à avoir pu assister à cette rencontre.
Saratu, aujourd’hui 19 ans, n’avait que 10 ans lorsque son village de Barawa, dans l’État de Borno au Nigeria, a été attaqué par les djihadistes de Boko Haram, qui sèment la terreur dans le nord du pays depuis déjà plus de 10 ans.
Saratu et sa famille on dû se cacher dans des grottes pendant plusieurs jours avant de réussir à s’enfuir et rejoindre le camp de déplacés à Minawao, dans le nord du Cameroun, où sont réfugiés des milliers de Nigérians et Centrafricains.
« Dans le camp, on a formé une équipe de filles »
C’est là que Saratu a passé son adolescence et a trouvé dans le football un manière de s’évader et de canaliser son énergie. « Les garçons du camp ne nous permettent pas de jouer avec eux », explique Saratu. « On a donc formé une équipe de filles pour jouer les unes contre les autres. On porte des maillots de garçons et de vieilles chaussures déchirées. On joue entre nous, et les gagnants remportent des trophées. »
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Lucy, la coéquipière de Saratu, a 18 ans. Elle est née à Kunde, également un village de l’Etat de Borno. Elle a perdu son père dans une attaque de Boko Haram en 2013, avant de se réfugier avec sa famille à Minawao.
« Dans le camp, seuls les hommes peuvent regarder le football à la télévision. Mais maintenant qu’on a eu l’occasion de voir un match en vrai, on ne va pas se priver de leur raconter qu’on était à l’intérieur du stade, quand on retournera au camp », raconte Lucy, avec un large sourire.
À l’origine, le camp de Minawao crée en 2013 par le HCR, l’agence de l’ONU pour les réfugiés, était prévu pour accueillir 10 000 personnes et faire face à l’afflux de déplacés nigérians fuyant Boko Haram. Aujourd’hui, la population du camp est passée à près de 70 000 personnes.
« Les filles étaient toutes excitées »
Lorsque le HCR a appris que le Nigeria jouerait ses matches de groupe à Garoua, à seulement cinq heures de route de Minawao, l’agence a pris contact avec la Confédération africaine de football (CAF).
« Les filles étaient toutes excitées. Elles ont été vaccinées et testées. Le voyage en voiture a été assez intéressant pour elles », assure Helen Ngoh, responsable de la communication au HCR.
Après le match, Patrice Motsepe, le président de la CAF, a lui-même permis aux filles d’aller faire une photo de groupe sur le terrain.
« C’était un moment surréaliste pour nous tous, ce n’était pas prévu, c’était totalement inattendu. Aller sur la pelouse alors que les filles étaient acclamées par de nombreuses personnes dans le stade a été quelque chose de très spécial », raconte Helen Ngoh.
Pour beaucoup de réfugiés, la décennie passée dans le camp de Minawao les a éloignés de leur pays natal. Ce match a donc aussi été un moment de reconnexion.
« Le voyage était important parce que c’est ce à quoi une adolescente aspire. C’est finalement essentiel dans la vie. Ce moment leur a fait sentir que leurs rêves sont légitimes et qu’ils sont plus grands que les horreurs de leur passé. Ce voyage a contribué à renforcer l’idée qu’elles peuvent poursuivre leurs rêves et que tout est possible », estime Helen Ngoh.
Auteur : Lolade Adewuyi
Source: dw.com
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Source: https://www.infomigrants.net