Entre lundi et mardi, les autorités italiennes ont saisi l’Open Arms, l’Aurora et le Sea-Eye 4. Les navires humanitaires ont reçu des amendes de plusieurs milliers d’euros et sont bloqués 20 jours dans un port italien. Rome les accuse d’avoir violé une nouvelle législation controversée, qui leur interdit d’opérer plusieurs sauvetages à la suite, et de se rendre au port italien le plus proche.
Après l’Aurora lundi 21 août, c’est au tour de deux autres navires humanitaires d’être immobilisés par les autorités italiennes. L’ONG espagnole Open Arms, qui affrète un bateau du même nom, a indiqué mercredi subir un « blocage administratif de 20 jours et une amende de 10 000 euros ». Le navire, à quai au port italien de Carrare (nord de l’Italie) depuis son débarquement mardi, ne peut plus, pendant cette période, porter secours à des migrants en détresse en mer.
Rome reproche à l’équipage d’avoir opéré trois sauvetages distincts en Méditerranée centrale, permettant de secourir 195 personnes les 17 et 18 août. Une décision rendue possible par un décret du gouvernement italien, adopté par le gouvernement de la Première ministre d’extrême droite Georgia Meloni. Entré en vigueur début 2023, le texte permet aux autorités d’assigner un port spécifique de débarquement aux navires dès le premier sauvetage effectué. Ceux-ci ont désormais l’obligation de revenir au port entre plusieurs opérations de sauvetage.
Immobilisation et amendes
Même punition pour le Sea-Eye 4. Le navire de l’ONG allemande Sea-Eye est bloqué au port de Salerne, dans le sud de l’Italie, après avoir débarqué mardi 114 exilés. Là aussi, les autorités italiennes accusent l’équipage du bateau d’avoir effectué trois opérations de sauvetage en Méditerranée, les 17 et 18 août.
Le Sea-Eye 4, tout comme l’Open Arms, ne peut plus prendre la mer pendant 20 jours et écope, quant à lui, d’une amende de 3 000 euros.
Lundi, l’Aurora aussi avait été immobilisé, cette fois, pour avoir accosté à Lampedusa avec 72 naufragés, malgré l’attribution du port sûr sicilien de Trapani. Les humanitaires avaient fait valoir que leur petit bateau n’était pas équipé pour parcourir une si longue distance avec autant de personnes à bord. L’ONG arguait que Lampedusa était beaucoup plus poche.
« Si ne nous ne l’avions pas fait, il y aurait eu des morts »
Les trois ONG visées s’insurgent de cette nouvelle entrave à leurs activités. « Les organisations de sauvetage en mer se retrouvent à devoir choisir entre garder leur navire et rebrousser chemin après la première opération de sauvetage, ou bien de ne laisser personne mourir et ainsi accepter la perte de leur navire », déplore Sea-Eye dans un communiqué. « Cette semaine, Sea-Eye, Sea-Watch et Open Arms ont choisi de donner la priorité à leurs navires pour sauver des vies. L’Italie punit désormais ce comportement et met en danger la vie de nombreuses personnes qui restent sans défense et à la merci de la mer », poursuit l’ONG.
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Open Arms, de son côté, pointe l’incohérence des autorités. « D’abord, ils [les Italiens, ndlr] vous demandent de l’aide pour effectuer des dizaines de sauvetage car les garde-côtes n’ont pas de carburant, puis ils appliquent le ‘décret Méloni’ qui limite les sauvetages. La politique tente de déformer le droit maritime international », déplore sur X (ex-Twitter) Oscar Camps, fondateur de l’ONG espagnole.
Cet été, des navires humanitaires, comme l’Open Arms mais aussi le Géo Barents de Médecins sans frontières (MSF), ont en effet procédé à plusieurs sauvetages sous la coordination de Rome. « Lors de notre dernière mission [mi-juillet, ndlr], après un sauvetage près des côtes libyennes, les autorités italiennes nous ont demandé de les épauler pour secourir 11 canots dans la zone de recherche et de sauvetage », avait déclaré fin juillet à InfoMigrants Caroline Willemen, responsable adjointe de la mission Search & Rescue de MSF.
Les trois ONG immobilisées estiment par ailleurs que si elles n’avaient pas secouru les naufragés, un drame aurait pu se produire. « Si ne nous ne l’avions pas fait, il y aurait eu des morts », assure Sea-Eye dans son communiqué.
Le nombre de décès a considérablement augmenté cette année en Méditerranée centrale. Depuis janvier, plus de 2 000 migrants ont péri dans ces eaux en tentant de rejoindre les côtes européennes, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Ils étaient un peu plus de 1 400 sur l’ensemble de l’année 2022, dans cette zone maritime.
Sources : https://www.infomigrants.net/