Depuis début juillet, environ 150 personnes, principalement originaires du Soudan, passent leur nuit devant le centre d’enregistrement du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) à Tripoli, en Libye. Parmi eux, de nombreuses femmes avec enfants. Ces exilés réclament l’aide de l’agence onusienne pour être réinstallés dans un pays sûr.
Devant le centre d’enregistrement du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) à Tripoli, en Libye, des dizaines de tapis jonchent le sol, entourés de détritus. Sur ces bouts de tissu, des hommes, des femmes et des enfants passent leur journée et leur nuit. Les exilés s’entassent à l’ombre des arbres, sur un bout de trottoir, pour se protéger des intempéries.
Depuis début juillet, environ 150 personnes, selon les estimations de l’agence onusienne, campent devant les locaux du HCR. La grande majorité sont originaires du Soudan, mais quelques-uns viennent d’Éthiopie, de Somalie ou encore d’Érythrée.
Leur point commun ? L’extrême précarité dans laquelle ils vivent en Libye. Certains ont obtenu une protection du HCR dans le pays tandis que d’autres attendent le traitement de leur dossier. Tous se sont rassemblés devant le centre de l’ONU pour réclamer de l’aide : ils demandent un abri, une évacuation de Libye vers un pays sûr et une réinstallation.
« Nos enfants ne sont pas scolarisés [en Libye], ils n’ont pas d’endroit où dormir. Pourquoi le HCR nous enregistre et ne prend pas soin de nous ? », s’interroge une femme dans une vidéo diffusée sur le compte X (ex-Twitter) Refugees in Libya, qui relaie des informations sur la situation sur place.
Des réinstallations en nombre limité
L’agence de l’ONU dit comprendre les demandes de cette population mais affirme ne pas être en mesure de faire plus. « Les besoins des réfugiés et demandeurs d’asile sont immenses. Ils recherchent désespérément des solutions à long terme. Mais le sous-financement [auquel le HCR doit faire face] signifie que l’aide humanitaire n’est malheureusement pas suffisante », déclarait fin juillet à InfoMigrants le service communication du HCR en Libye. L’agence rappelle que nombre de ces personnes « ont reçu une assistance en fonction de leurs besoins individuels, notamment une aide financière [pour se loger], des produits non alimentaires et des kits d’hygiène ».
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Malgré ce soutien, les exilés ne parviennent pas à vivre convenablement dans le pays. Trouver un toit et de la nourriture est une mission quotidienne. Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est plongée dans le chaos et ne parvient pas à se relever. Les migrants se retrouvent démunis, en proie à des violences provenant de certains habitants, des autorités ou de milices. Pour eux, la réinstallation est la seule échappatoire pour fuir l’enfer libyen et espérer un avenir meilleur.
Mais les places sont limitées, et allouées en priorité aux personnes dites vulnérables. Beaucoup en sont donc exclus. « Le HCR continue d’appeler la communauté internationale à fournir des créneaux supplémentaires pour la réinstallation et d’autres solutions durables afin de pouvoir offrir à davantage de réfugiés et de demandeurs d’asile une solution durable en dehors de la Libye », a exhorté, fin juillet, le service de communication de l’agence onusienne.
Violences
Ce discours reste cependant dur à entendre pour les exilés, qui accusent le HCR de ne pas les soutenir et les protéger suffisamment. « On est allés voir le HCR pour demander de l’aide mais ils nous ont mis dehors », déplore au micro de la chaîne qatarie Al Jazeera une Soudanaise.
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La police a tenté, à plusieurs reprises, de mettre fin à l’occupation. Toujours avec violences, selon les témoignages des migrants. « Des milices donnent des coups de pieds aux femmes et aux enfants qui dormaient devant le siège du HCR à Tripoli (…) Tout cela s’est produit sans que le HCR n’ouvre la porte pour désamorcer la situation », raconte un exilé dans une autre vidéo diffusée sur X (ex-Twitter) par Refugees in Libya.
Le 16 août, un enfant de six ans, originaire d’Érythrée, a été percuté par une voiture devant les locaux de l’ONU. Il a dû être hospitalisé pour des fractures au crâne. À sa sortie de l’hôpital, le jeune garçon a retrouvé sa place sous les arbres devant les locaux du HCR, faute de solutions d’hébergement.
Mardi 22 août, alors que la police tentait d’évacuer les lieux « pacifiquement » selon un communiqué du HCR, des exilés se sont regroupés devant le portail de l’agence onusienne. Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre un mouvement de foule et des cris de détresse. C’est à ce moment-là que deux femmes ont accouché : l’une alors qu’elle se trouvait à l’intérieur du centre, l’autre à l’extérieur, précise l’ONU. Elles ont toutes d’eux été prises en charge à l’hôpital.
Dans son communiqué, le HCR se dit « alarmé par le nombre croissant de femmes et d’enfants sur place et par les risques liés à la route et aux éventuels accidents ».
Cette situation rappelle celle survenue à la fin de l’année 2021 et début 2022. À cette époque, un millier de migrants avaient passé plus de trois mois devant deux centres du HCR à Tripoli pour réclamer, eux aussi, une évacuation et une réinstallation dans un pays tiers.
La mobilisation s’était soldée par une évacuation musclée menée par les autorités. Les exilés avaient été envoyés de force dans la prison d’Ain Zara, tristement connu pour les mauvais traitements infligés aux migrants retenus.
Sources : infomigrants.net