Des mineurs enfermés dans des locaux de la police pendant plusieurs jours, des « refoulements » illégaux, des « violations » des droits des enfants… Dans les Alpes-Maritimes, les mineurs isolés subissent des « traitements inadmissibles », selon les associations. Les autorités mettent en cause le doublement des arrivées de migrants venant d’Italie, et la saturation du dispositif d’accueil.
À la frontière franco-italienne, les autorités n’arrivent plus à faire face aux arrivées de migrants. Et c’est plus précisément la prise en charge des mineurs isolés qui pose problème. « Avec un millier de places, le dispositif d’accueil est saturé, le département n’a plus la capacité de prendre en charge ces mineurs », confie un représentant de la préfecture des Alpes-Maritimes à l’AFP.
En cause, selon les autorités, le doublement du nombre de mineurs non accompagnés (MNA) qui arrivent de l’Italie voisine. Entre le 1er janvier et le 16 août, 3 673 jeunes ont fait l’objet d’un placement dans un foyer du département, d’après les chiffres de la préfecture, contre 1 793 à la même période de 2022. La majorité sont originaires de Guinée, de Côte d’Ivoire, de Tunisie ou du Soudan.
Cette recrudescence des arrivées s’explique par une hausse des arrivées en Italie. Depuis janvier, plus de 105 000 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes, contre près de 50 000 à la même période de 2022, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Dans une lettre adressée mercredi 23 août au président de la République et à la Première ministre, le président du département évoque un « déferlement migratoire en provenance d’Italie ». Charles-Ange Ginésy, du parti de droite Les Républicains (LR), demande que l’État « assume ses responsabilités face à cette situation » en mettant en œuvre « tous les moyens pour gérer cette immigration massive ».
« Violation » des droits
Les associations, aussi, tirent la sonnette d’alarme. Dans un communiqué publié vendredi 25 août, une quinzaines d’ONG – dont Médecins sans frontières, la Cimade ou la Ligue des droits de l’Homme – dénoncent « des traitements inadmissibles » infligés aux mineurs qui viennent d’arriver dans le département après avoir traversé la frontière italienne.
Débordées par le flux, les autorités reconnaissent que « des mineurs doivent stationner pendant un, deux ou trois jours dans les locaux de la Police aux frontières (PAF) de Menton », première ville en arrivant en France, avant leur prise en charge par les services départementaux.
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Ce local composé de trois pré-fabriqués disposés en U sert d’ordinaire à « mettre à l’abri » les exilés entrés de manière irrégulière sur le territoire, le temps que les autorités françaises finalisent les démarches en vue de leur renvoi en Italie. À l’intérieur, « trois WC type chantier », « une très petite cour intérieure surmontée d’un filet », et « un point d’eau avec un robinet », selon un rapport du bâtonnier de Nice après une visite sur place, le 26 juillet 2022. « À l’intérieur de chaque container, sont présents une climatisation, des bancs et un plancher en métal inox », poursuit le bâtonnier. « Ils sont d’un état général propre », mais « il n’a pas été constaté de matelas qui seraient mis à disposition des personnes ainsi ‘mises à l’abri’. Il nous a été précisé qu’aucun matelas ni couverture n’était prévu. »
Lundi 21 août, 68 mineurs y étaient enfermés au même moment, « dans des conditions sanitaires déplorables : en pleine canicule, dormant à même le sol », signalent les associations. Le 23 août, ils étaient 78 jeunes dans ce local, privés de leur liberté pendant plusieurs jours. Une pratique qui constitue « une violation manifeste de la convention internationale des droits de l’enfant », insistent les humanitaires.
Militarisation de la frontière
Le communiqué inter-associatif fait aussi état de refoulements illégaux de mineurs vers l’Italie. « C’est à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de procéder à leur évaluation de minorité, non aux forces de l’ordre. Or, ces jeunes sont refoulés par la police sans évaluation préalable », s’indignent les associations qui réclament depuis des mois plus de moyens, en vain.
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L’Assemblée des départements de France (ADF) avait, elle aussi, en mai, demandé l’aide du gouvernement pour gérer cette « situation explosive » dans les Alpes-Maritimes, qui créé « l’embolie » des structures d’hébergement locales.
À défaut de construire de nouveaux centres, l’État a répondu à cette crise en déployant à la frontière franco-italienne une « border force », militarisant un peu plus la zone. Elle consiste en des renforts policiers, militaires et douaniers sur la route, dans les trains et les gares, ou encore au survol de la région par des drones. Selon le Figaro, cette « border force » mobilise chaque jour entre 400 et 450 personnes.
Sources : https://www.infomigrants.net/