Deux migrants ont été condamnés vendredi à de la prison ferme par un tribunal britannique pour des violences commises contre des gendarmes sur une plage française, près de Calais. Ils ont été identifiés et jugés grâce à une vidéo transmise par les autorités françaises.
Salih Taib Abdullah, un Irakien de 33 ans, et Ahmed Omar Saleh Khater, un Soudanais de 25 ans, ont été condamnés vendredi 8 septembre respectivement à 14 et 12 mois de prison par le tribunal de Canterbury, dans le sud de l’Angleterre.
Les deux hommes ont été reconnus coupables par la justice britannique de violences à l’encontre de gendarmes français à Oye-plage (nord de la France) avant leur départ vers le Royaume-Uni à bord d’un bateau pneumatique.
Retour sur les faits. Le 15 juin dernier, un groupe de 51 migrants courent vers la mer, canot sous le bras et gilets de sauvetage autour du corps. Une équipe de gendarmes tente d’empêcher les exilés de monter dans l’embarcation et lance des cartouches de gaz lacrymogène vers eux, relate France 3 Hauts-de-France.
Deux exilés s’approchent alors des forces de l’ordre, bâtons à la main. L’un d’eux frappe violemment un gendarme, qui répète à plusieurs reprises : « Viens, viens, viens ». D’autres personnes du groupe jettent du sable et des pierres en direction des agents.
Après l’altercation, les migrants parviennent à prendre la fuite et à monter dans l’embarcation. Ils sont ensuite secourus dans les eaux britanniques par les garde-côtes anglais. Salih Taib Abdullah et Ahmed Omar Saleh Khater sont interpellés dès leur arrivée au port de Douvres.
Les deux hommes ont été identifiés grâce à une vidéo transmise par les autorités françaises : la scène a été filmée via une caméra-piéton embarquée sur le gilet d’un gendarme. Les images ont été diffusées lors du procès.
« Travailler main dans la main » avec la France
Selon Charlie Eastaugh, directeur du commandement opérationnel dans la lutte contre les « smallboats » au ministère de l’Intérieur britannique, ce genre d’incidents « mettent en lumière le travail complexe et courageux de nos collègues français » qui agissent dans des « conditions difficiles ».
Les autorités britanniques et françaises assurent que les violences envers les forces de l’ordre se multiplient ces derniers mois sur les plages du nord de la France. Fin avril, un gendarme avait été blessé au couteau à Oye-Plage alors qu’il tentait d’empêcher des migrants de prendre la mer. Quelques semaines plus tard, trois gendarmes avaient aussi été blessés alors qu’ils essayaient de stopper un groupe de migrants de monter dans bateau vers l’Angleterre.
Cette augmentation des tensions s’explique par les « efforts réussis des forces de l’ordre pour contrecarrer cette entreprise criminelle organisée » a insisté Charlie Eastaugh. « Nous continuerons à travailler main dans la main avec [la France] pour lutter contre les bandes criminelles derrière ces passages meurtriers, pour protéger nos frontières et sauver des vies », a-t-il continué.
De multiples accords entre Londres et Paris
Depuis plusieurs années, Londres et Paris multiplient les accords pour essayer de freiner les traversées de la Manche, qui ont explosé en 2022 avec l’arrivée d’environ 45 000 personnes sur les côtes britanniques. En mars, le gouvernement du conservateur Rishi Sunak a signé un nouveau texte prévoyant de verser plus de 500 millions d’euros sur quatre ans à la France pour militariser davantage la frontière maritime.
Dernière mesure en date pour lutter contre les traversées illégales : le recours massif à des drones. Depuis un arrêté du 7 septembre, les autorités françaises autorisent pour une durée de trois mois l’usage simultané de maximum 76 caméras embarquées sur des drones, des hélicoptères et un avion. Elles surveilleront les 150 kilomètres de rivage entre Dunkerque et Berck, sur le littoral nord.
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Malgré le déploiement d’importants moyens techniques (clôtures, drones, caméras thermiques…) et humains (multiplication de patrouilles) à Calais, Grande-Synthe, Sangatte, les départs de migrants depuis les côtes françaises ne faiblissent pas. « Plus on met d’effectifs, plus ça part. C’est quand même fou », confiait début août une source policière à InfoMigrants. « Ce n’est pas parce que nous sommes là qu’ils arrêtent de partir. En revanche les passeurs changent de stratégie et privilégient des départs en plus grands nombres, comme ça seuls quelques bateaux sont empêchés », complétait le fonctionnaire.
Et surtout, « la surveillance policière n’entame pas la détermination des exilés », confirmait en décembre à InfoMigrants Amélie Moyart, coordinatrice d’Utopia56 à Grande-Synthe. « La traversée de la Manche, c’est la dernière étape. Même terrifiés […] ils prendront la mer ».
Sources : https://www.infomigrants.net/