Neuf migrants ont été arrêtés pour « délit de piraterie » par la police espagnole, mardi. Ils sont accusés par les autorités d’avoir menacé un équipage de marins néerlandais venu à leur secours en mer, afin de les obliger à débarquer dans les Canaries et non au Maroc comme prévu initialement.
Neuf migrants ont été arrêtés aux Canaries pour « piraterie », ont indiqué mardi les autorités espagnoles à l’AFP. Ceux-ci étaient à bord de deux embarcations, comptant 78 personnes au total, parties des côtes africaines. Les canots ont été secourus lundi soir par un remorqueur néerlandais dans les eaux marocaines, selon les sauveteurs espagnols.
Ces migrants sont accusés d’avoir obligé les marins néerlandais à faire route vers les Canaries au lieu de les débarquer à leur destination initiale : le port de Tan Tan, au sud du Maroc. Les autorités espagnoles affirment à l’agence de presse que les exilés sont devenus « agressifs » envers l’équipage, sortant « des couteaux », pour l’obliger à détourner sa route.
Face à cette « révolte », le remorqueur néerlandais a effectivement mis le cap vers Fuerteventura, une île des Canaries.
À leur arrivée dans l’archipel espagnol, ces neuf migrants – dont la nationalité n’a pas été communiquée – ont été arrêtés par la Garde civile espagnole pour « délit de piraterie ». La police espagnole n’a pas fourni davantage de détails à l’AFP.
Un chef d’accusation déjà employé ailleurs
Ce type d’accusations n’est pas nouveau et a déjà été employé par plusieurs États, dans des circonstances variables cependant. En juin 2023, le ministre italien de la Défense Guido Crosetto (co-fondateur du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia) a désigné comme « pirates » un groupe de migrants accusés d’avoir « repris le contrôle d’un navire turc » en menaçant l’équipage avec des couteaux.
Pourtant, l’enquête qui a suivi, mené par le parquet de Naples, a contredit ce récit officiel. Pas de violences ni de kidnapping ; encore moins de détournement ou de piraterie. Selon les témoignages des exilés, confirmés par des images de vidéosurveillance, ceux-ci étaient dissimulés dans un camion transporté par le navire et ont fait usage d’un objet coupant pour percer la bâche afin de prendre l’air.
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En 2019, l’Italie avait médiatisé le « premier acte de piraterie perpétré par des migrants en haute mer » selon les mots du ministre de l’Intérieur d’alors, Matteo Salvini. Cette année-là, au mois de mars, un groupe de rescapés secourus par un navire pétrolier turc avait protesté pour ne pas être ramené en Libye, où ils témoignaient avoir subi des violences, puis poussé l’équipage à faire route vers Malte. Trois jeunes hommes, dont deux mineurs, avaient alors été arrêtés par les autorités maltaises pour « terrorisme ».
Plus loin encore, en novembre 2018, un groupe de migrants avait été accusé de « piraterie » cette fois par les autorités libyennes. Secourus au large de la Libye par un navire commercial battant pavillon panaméen, le groupe s’est terré pendant 10 jours sur le bateau, refusant de débarquer au port de Misrata. « Plutôt mourir que de retourner en Libye« , affirmaient-ils alors, joints par InfoMigrants.
Canaries : hausse des arrivées, des centaines de disparus
Les Canaries ont vu arriver 14 976 migrants entre le 1er janvier et le 30 septembre, soit une hausse de 19,8% par rapport à la même période de 2022, d’après les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur espagnol de l’Intérieur, confirmés par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Depuis le début de l’année, 151 migrants sont morts ou ont disparu dans cette traversée de l’Atlantique, selon la base de données « Missing Migrants » actualisée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). L’ONG Caminando Fronteras, qui reçoit des appels d’urgence en mer et conserve un lien étroit avec les familles restées à terre, estime quant à elle que 778 migrants sont morts ou ont disparu sur cette route migratoire au premier semestre.
Sources : https://www.infomigrants.net/