Plus de 5 000 migrants clandestins interceptés au Sénégal en 2024

Les forces de défense et de sécurité sénégalaises ont annoncé mardi avoir intercepté plus de 5 000 candidats à l’émigration illégale vers Europe durant l’année 2024. Malgré les risques encourus et la succession de drames, les départs ne cessent pas depuis les côtes du pays pour tenter de rejoindre les îles Canaries. Le gouvernement sénégalais, lui, a multiplié les opérations de surveillance sur le littoral ces derniers mois.
En 2024, les forces de défense et de sécurité du Sénégal ont intercepté 5 192 personnes tentant de rejoindre clandestinement l’Europe, selon une annonce faite mardi par le secrétaire permanent du Comité interministériel de lutte contre la migration irrégulière (CILMI), Modou Diagne.
‘’Parmi ces personnes, 407 ont été mises à la disposition de la justice’’, a-t-il précisé lors d’une table ronde nationale sur les politiques publiques en matière de lutte contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants.
Depuis une dizaine d’années, la route migratoire au départ des côtes ouest-africaines, notamment sénégalaises, pour rejoindre les îles Canaries, en Espagne, est devenue l’un des principaux itinéraires empruntés par les migrants subsahariens. Et l’un des plus meurtriers aussi.
Le secrétaire permanent du CILMI a ainsi indiqué que 105 corps de migrants avaient été retrouvés suite au chavirement de plusieurs pirogues qui tentaient de rejoindre les îles Canaries, en Espagne.
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Les Sénégalais fuient une situation économique défavorable, qui accentue la pauvreté et réduit les espoirs de la jeunesse. Le secteur de la pêche, activité économique essentielle dans le pays, est menacée par la surpêche qui contribue à la raréfaction des poissons et aggrave le changement climatique.

Les candidats embarquent soit clandestinement sur des pirogues en bois dans l’Atlantique pour tenter de rejoindre les Canaries espagnoles, soit s’aventurent par la voie terrestre vers l’Afrique du Nord, en espérant traverser la Méditerranée.
Des efforts insuffisants face à l’ampleur du phénomène
Face à l’ampleur des départs vers l’Europe, le Sénégal a accentué ses efforts pour freiner le flux des migrations irrégulières vers le continent européen.
Le CILMI, créé en 2024 par le président de la République, joue un rôle crucial dans la coordination des actions contre la migration irrégulière, la surveillance des frontières et la promotion d’une migration légale et organisée. Il rassemble des représentants de différents ministères, des forces de sécurité ainsi que des acteurs de la société civile, des dirigeants de structures ou encore des partenaires financiers.
Les opérations menées par les autorités sénégalaises se sont multipliées sur le littoral ces derniers mois. Les contrôles de vigilance et de sécurisation ont été renforcés dans les zones côtières, notamment dans le nord, lieux des départs clandestins pour l’Europe, avec l’objectif de dissuader les départs.
Dans un communiqué daté du 26 mai, la Marine nationale sénégalaise informait avoir « appréhendé un groupe de 32 candidats [à l’émigration clandestine] dans l’aire marine protégée de Saint-Louis » (nord du pays), une zone isolée fréquemment utilisée comme lieu de départs des pirogues. Une autre interpellation, dans la même zone et quelques heures avant, avait déjà permis l’arrestation de 55 personnes sur le départ.
Plus de 400 candidats à l’exil originaires de Guinée, Gambie, Côte d’Ivoire, Sierra Leone notamment avaient également été interpellés en moins de 48 heures, à la mi-mars.
Malgré le renforcement de cette logique répressive, les efforts déployés par le gouvernement ne réussissent pas à enrayer ce phénomène persistant. En 2024, 46 000 migrants, originaires de divers pays de la sous-région, ont réussi à débarquer aux îles Canaries, a déclaré le secrétaire permanent du CILMI. Il s’agit d’un nombre d’arrivées record, en hausse de 18 % par rapport à l’année précédente.
Compte tenu de la dangerosité de cette route migratoire, les drames se sont également succédé. Plus de 10 400 migrants sont morts ou ont disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne en 2024, selon l’ONG Caminando Fronteras. Un chiffre sous-estimé : de nombreuses embarcations perdues en mer ne sont jamais retrouvées.
« Les passeurs exploitent le désespoir de la jeunesse »
Face aux drames répétitifs, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye avait annoncé en septembre 2024 une intensification de la répression des trafiquants.
« Ce qui est partout sur les côtes du Sénégal est le fait des filières de migration qui sont, il faut le dire, dans le trafic d’êtres humains, qui exploitent le désespoir de cette jeunesse et qui leur vendent le rêve d’un avenir meilleur. Mais je voudrais dire que la traque sans répit contre ces vendeurs d’illusion, ces vendeurs de la mort va s’intensifier dès à présent », a déclaré le président sénégalais l’année dernière.
L’utilisation de l’arsenal législatif avec des peines privatives de liberté est aussi l’un des outils de la lutte contre la migration clandestine. Au Sénégal, le trafic de migrants est un délit puni de 5 à 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de un à cinq millions de francs CFA ( entre 1 524 et 7 622 euros).
Cette loi, datant de 2005 qui « punit toute personne participant à la migration illégale », était principalement utilisée contre les passeurs et facilitateurs des départs clandestins. Mais en décembre 2020 pour la première fois, trois pères de famille avaient été condamnés à un mois de prison ferme et deux ans avec sursis pour avoir payé un passeur afin que leurs fils partent en pirogue aux îles Canaries. Le tribunal de grande instance de Mbour (Sud de Dakar), les avait reconnus « coupables pour mise en danger de la vie d’autrui », mais avaient été relaxés pour le « délit de complicité de trafic de migrants ».
Un maire sénégalais arrêté
Un autre cas a fait scandale dans le pays. Le 15 mars, le maire de l’île de Dionewar (Sud de Dakar), Lassana Sarr a été arrêté pour son implication présumée dans un vaste réseau de passeurs. Le même jour, une pirogue avec 241 migrants à bord avait été interceptée au large des côtes sénégalaises, la région étant le point de départs massifs pour les Canaries. Jamais auparavant une autorité locale n’avait été impliquée dans ce type d’affaire.
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Cette gestion sécuritaire et répressive de la question migratoire est néanmoins décriée par plusieurs acteurs de la société civile qui indiquent qu’au lieu de freiner le phénomène, elle encourage au contraire la clandestinité.
Les autorités appellent à une prise de conscience collective face aux dangers de la migration irrégulière qui décime la jeunesse sénégalaise. Désormais, les femmes ainsi que de jeunes enfants sont également de plus en plus nombreux à embarquer sur ces pirogues.
Des projets d’aide à la formation ainsi que de financements ont également été lancés pour tenter de retenir dans le pays ces candidats à l’émigration clandestine.
Sources: infomigrants




