De nombreux migrants se préparent à la traversée des Alpes depuis l’Italie voisine, notamment dans la petite ville d’Oulx, à moins de 10 km de la France. Là-bas, ils se reposent quelques jours avant de tenter le passage des montagnes. Pour « éviter les tragédies », des associations italiennes les équipent en vêtements chauds et leur rappellent les dangers d’un tel périple à travers des cols enneigés.
Aqil et Noushin se disent prêts à « traverser le soir-même ». Ce couple de trentenaires, originaire d’Iran, se prépare à traverser les Alpes pour rejoindre la France et y demander l’asile. « C’est un peu stressant », confie Aqil qui se repose dans la ville italienne d’Oulx, à moins de 10 km de la frontière française. Le couple est arrivé par les Balkans, a traversé la Slovénie puis l’Italie du nord. Les Alpes sont donc leur dernière étape.
« On a entendu parler des patrouilles de police [française] dans la montagne, on a un peu peur d’être ramenés en Italie », explique encore Aqil. Après avoir passé plusieurs mois sur la route, le couple ne veut plus perdre de temps : ils ne se sont accordés que 48 heures de repos à Oulx avant de traverser. « Nous avons des vêtements chauds, nous en avions achetés en Serbie. Ça ira pour traverser la montagne », affirme-t-il.
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À l’instar d’Aqil et Noushin, des dizaines de migrants patientent dans la petite ville italienne frontalière avant de déterminer le meilleur moment pour passer. Souvent, ils s’y reposent deux ou trois jours avant de reprendre la route.
« Nous sommes attentifs à leur survie »
Pour ne pas les laisser en pleine rue, dans le froid, des Italiens d’Oulx et de la région se mobilisent. C’est notamment le cas du Refuge, une association italienne qui offre dans la ville, à quelques pas de la gare, gîte et couverts à ces migrants en transit. Doté d’un dortoir et d’un vestiaire avec des vêtements de ski (de différentes tailles), le Refuge existe pour « éviter les tragédies », explique Silvia, l’une de ses membres.
« Nous savons que ces migrants vont traverser les Alpes. Nous sommes là pour nous assurer qu’ils n’y meurent pas », continue-t-elle. « Nous leur fournissons des bottes, des gants, des chaufferettes, et des vêtements chauds… Des vêtements adéquats… Nous sommes simplement attentifs à leur survie et à leur sécurité. »
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Silvia a vu passer des centaines de migrants au Refuge d’Oulx : des personnes d’Afghanistan, d’Iran, mais aussi d’Afrique, du Maghreb. « Depuis quelques semaines, il y a, de nouveau, beaucoup de personnes d’Afrique de l’Ouest », développe-t-elle. « Ils arrivent ici après un long parcours migratoire. Ils peuvent un peu souffler. »
Le Refuge se défend d’aider les migrants à passer illégalement en France : l’association n’agit que dans un but humanitaire, affirme-t-elle. « Nous ne savons pas quels chemins ils prennent là-haut, nous ne savons pas quand ils décident de partir. Nous savons simplement qu’ils vont partir. »
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Dans les locaux du Refuge italien, les migrants peuvent trouver aussi des prospectus sur leurs droits en montagne. Les forces de l’ordre et les citoyens – que les migrants peuvent croiser – n’ont pas « le droit de détruire vos papiers et documents officiels », « de vous traquer et de vous mettre en danger », « de vous laisser si vous êtes malades ou blessés », ou encore « de voler votre argent ou votre téléphone portable ». Des rappels nécessaires, selon le Refuge.
Cet été, en France, un policier de la Police aux frontières (PAF) de Montgenèvre, au pied des Alpes – à quelques kilomètres d’Oulx – a été déclaré coupable de violences sur un Malien et condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 1000 euros.
Risques d’avalanches, de déshydratation, d’hypothermie
La traversée des Alpes n’est pas le seul chemin envisagé par les migrants pour entrer illégalement sur le sol français, mais c’est le plus discret. Il y a des trains qui partent d’Oulx pour aller en France « mais ils sont presque toujours contrôlés. Et puis le billet coûte 100 euros par personne. C’est cher », rappelle Silvia. « Il y a aussi ceux qui tentent le passage en bus par le tunnel de Fréjus [qui relie l’Italie à la France] mais ils se font souvent intercepter par les forces de l’ordre. »
Beaucoup, échaudés par les arrestations, tentent donc la traversée par la montagne malgré les risques d’avalanches, de déshydratation, d’engelures, d’hypothermie. « Avant, en 2017, les migrants passaient par le col de l’Echelle [un passage plus au nord d’Oulx], c’était un danger de mort, vraiment trop dangereux », rappelle Silvia.
L’Italienne précise aussi qu’elle voit souvent les mêmes personnes revenir. « Il y a des pushbacks tous les jours. C’est évident. Parfois, on voit des gens partir, et on les voit revenir quelques heures après… »
À la date du 11 février 2021, près de 25 personnes logent au Refuge d’Oulx. Certaines sont fraîchement arrivées des Balkans ou du sud de l’Italie, d’autres ont été victimes de pushbacks, d’autres encore ont été arrêtées au niveau du tunnel franco-italien de Fréjus.
Sources : https://www.infomigrants.net/