L’ONU demande plus d’informations sur le drame de Melilla
Des experts de l’ONU ont réclamé que leur soient communiquées les informations recueillies par les enquêtes marocaines et espagnoles sur la journée du 24 juin au cours de laquelle au moins 23 personnes sont mortes. Ils ont également fait savoir qu’une évaluation serait faite de la « la législation et des pratiques répressives des deux pays ».
L’Espagne et le Maroc devront partager les conclusions de leurs enquêtes. Lundi 18 juillet, des experts de l’ONU ont demandé à Madrid et Rabat « une reddition des comptes » sur le drame de Melilla, et « des informations détaillées sur l’incident, notamment sur les enquêtes en cours », ont-ils fait savoir dans un communiqué.
Après la mort d’au moins 23 personnes aux portes de l’enclave espagnole, le 24 juin, le Maroc et l’Espagne avaient, chacun, ouvert des enquêtes pour faire la lumière sur les circonstances de la tragédie. Le 13 juillet, une mission d’information marocaine conduite par le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a ainsi conclu que les migrants africains décédés étaient morts « par asphyxie », mettant hors-de-cause les forces de l’ordre marocaine, accusées par les associations d’avoir violenté les exilés.
L’ONU, l’Union africaine et des ONG avaient pourtant dénoncé « l’usage excessif » de la force de la part de la police lors de ces événements.
Lundi, les experts de l’ONU ont rappelé que « tout recours à la force par les forces de l’ordre doit être guidé par les principes de légalité, de précaution, de nécessité, de proportionnalité, de responsabilité et de non-discrimination ». Sur des images amateurs filmées ce jour-là, on pouvait voir des amoncellements de corps inertes gisant au sol, des visages de migrants en souffrance, et des coups de matraque distribués par des forces de l’ordre marocaines sur des hommes déjà à terre.
Les experts ont aussi déclaré que, sur la base des informations recueillies, ils évalueront également « la législation et les pratiques répressives des deux pays par rapport aux normes applicables en matière de droits de l’Homme ». Objectif ? « Faire en sorte que les responsabilités soient rapidement établies, que les victimes obtiennent réparation et que les morts illégales ne se reproduisent plus ». Outre les 23 morts – bilan inédit dans la zone -, un total de 217 personnes ont été blessées, 77 migrants et 140 policiers. Des humanitaires espagnols avaient, eux, fait état d’un bilan plus élevé de 37 morts. L’Association marocains des droits humains (AMDH) évoque, quant à elle, 58 victimes, morts ou disparus.
Près de 500 000 déplacés
La majorité des exilés ayant tenté de passer la frontière de Melilla ce jour-là sont originaires « du Darfour et du Soudan du Sud », avait assuré à InfoMigrants Ali Zoubeidi, chercheur spécialiste en migrations. Deux territoires en proie à une forte recrudescence de violences. En un an, au total, près de 500 000 personnes ont été déplacées dans la région du Darfour occidental, à cause des massacres perpétrés par des milices.
Et au Soudan, pays d’origine de nombreuses victimes du 24 juin, la capitale Karthoum compte actuellement, à chaque manifestation contre le régime militaire en place, ses morts. Le 30 juin, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les manifestants. Au moins neuf personnes ont été tuées, dont un mineur.
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Au Maroc, l’enquête de la CNDH bouclée, les autorités se concentrent désormais sur les poursuites visant les migrants qui ont tenté de passer la frontière le 24 juin. Un groupe de 28 migrants, dont un mineur, est poursuivi pour « entrée illégale sur le sol marocain », « violence contre agents de la force publique » mais aussi « participation à une bande criminelle en vue d’organiser et faciliter l’immigration clandestine à l’étranger ». Dans cette affaire, vingt policiers plaignants affirment avoir subi des violences de la part des migrants. Leur procès s’ouvrira au tribunal d’appel de Nador le 27 juillet.
Source : http://www.infomigrants.net