À partir du 19 février 2024, les ressortissants sénégalais en transit dans les aéroports espagnols devront présenter un visa à leur arrivée. Ces derniers mois, les autorités ont constaté une augmentation des demandes d’asile de la part des exilés en partance pour l’Amérique latine, qui transitaient par l’Espagne.
Plus de transit en Espagne sans visa. Mercredi 24 janvier, l’ambassade d’Espagne à Dakar a annoncé que le précieux sésame – un visa de transit aéroportuaire (TAP) – sera exigé pour les Sénégalais en escale dans les aéroports du pays, à partir du 19 février prochain.
La mesure est déjà en vigueur depuis le 21 janvier pour les ressortissants kényans.
« Nous travaillons pour éviter […] une utilisation frauduleuse lors des escales aériennes », a déclaré le 20 janvier le ministre espagnol de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska, alors en visite à Rabat. « Introduire des visas aéroportuaires n’est pas contradictoire […] avec l’asile et les droits de l’homme », a-t-il ajouté.
Les syndicats de la police espagnole affirment que depuis quelques mois, des Sénégalais et d’autres citoyens « de certains pays africains » en partance pour le Brésil, profitent de leur transit à Madrid pour y demander l’asile.
Cette voie concerne aussi les jeunes migrants. Entre le 1er et le 17 janvier 2024, 188 mineurs isolés ont débarqué au terminal de Madrid pour rester dans le pays, via un vol à destination de l’Amérique latine.
Un constat partagé aussi par les associations. Depuis août, l’aéroport de Madrid-Barajas a enregistré une « augmentation exponentielle » du nombre de demandeurs d’asile, a fait savoir la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR). Avec des conséquences sur les hébergements dédiés au sein de l’aéroport : « La surpopulation et les conditions insalubres ont atteint des points critiques, provoquant l’explosion des punaises de lit, et une accumulation d’ordures », d’après l’ONG.
D’après un témoignage recueilli par El Pais, une femme colombienne de 27 ans a passé deux semaines dans la structure, sans vêtements de rechange et sans brosse à dents. Avec ses deux enfants, elle a « dormi à même le sol une partie de son séjour », puis « tous les trois, dans un lit simple ». « Être là-bas était terrible. Nous n’avons vu ni la lumière du jour, ni la nuit ».
CEAR dénonce aussi des entraves au droit. Sur les 390 exilés hébergés dans des conditions « indignes », 182 – des Sénégalais, des Marocains, des Somaliens, des Colombiens – n’ont pas pu formuler leur demande d’asile.
Des migrants déguisés
Dans d’autres aéroports espagnols s’organise par ailleurs le trafic des exilés. En octobre, la police espagnole a arrêté cinq personnes qui déguisaient les migrants – arrivant de l’étranger – en agents aéroportuaires pour les faire sortir discrètement de l’aéroport de Barcelone. Ces quatre employés d’un restaurant et un agent d’entretien sont soupçonnés d’avoir aidé les migrants à éviter les contrôles aux frontières avec des laissez-passer de sécurité et des uniformes de travail pour les faire sortir frauduleusement de l’aéroport – et par la même occasion les faire entrer dans l’espace européen.
Les trafiquants avaient acheté aux migrants des billets vers l’Irlande (pays hors de l’espace Schengen) pour être sûr que les exilés puissent transiter par la zone internationale où ils opéraient.
A LIRE AUSSI
Premier vol d’expulsion groupé de Sénégalais depuis les Canaries
En 2023, près de 57 000 migrants au total sont arrivés en Espagne, soit un bond de 82,1% par rapport à 2022 (32 000), selon le rapport annuel du ministère de l’Intérieur. La raison de cette hausse s’explique par l’explosion des arrivées aux Canaries : en 2023, environ 37 000 exilés ont débarqué dans l’archipel espagnol, du jamais vu. Le chiffre dépasse le précédent record de 2006 – lors de la crise des cayucos – où 31 000 personnes avaient atteint les îles espagnoles.
Les routes migratoires qui mènent à l’Espagne sont aussi très dangereuses pour les exilés. D’après l’ONG Caminando Fronteras, au moins 6 618 personnes sont mortes ou ont disparu en tentant de rejoindre le pays. C’est le chiffre « le plus élevé » comptabilisé par l’ONG depuis le début de ses recensements en 2007.
Sources : https://www.infomigrants.net/