« Vous ne passerez pas » : des militants britanniques d’extrême droite intimident des migrants près de Calais

Des membres du parti d’extrême droite Ukip ont intimidé en septembre des migrants à Gravelines, près de Calais. Sur la vidéo diffusée sur X par le mouvement xénophobe et europhobe, des hommes vêtus de noirs arrachent les couvertures des exilés – semblant revenir d’une tentative de traversée – pointent des lampes torches sur eux et leur intiment l’ordre de quitter les lieux. Cette action violente inquiète les humanitaires opérant dans le nord de la France.
« You shall not pass », « vous ne passerez pas » en français. Une vidéo de 40 secondes publiée mardi 30 septembre sur le réseau social X par le parti europhobe et xénophobe Ukip montre des hommes brandissant des drapeaux britanniques et anglais intimidant des exilés sur le littoral nord de la France, avec en bande son ce slogan répété en boucle.
« Notre équipe Stop The Boats a perturbé et déplacé des migrants illégaux qui tentaient de traverser la frontière vers la Grande-Bretagne depuis le nord de la France. Si les autorités ne protègent pas nos frontières, nous le ferons », lance le groupe d’extrême droite.
Sur les images, on peut voir des exilés recroquevillés à même le sol, certains sous des couvertures de survie, d’autres sous des duvets ou d’autres encore portant des gilets de sauvetage. Des hommes vêtus de noir arrachent les couvertures des migrants en pointant une lampe torche sur eux et leur intimant l’ordre de quitter les lieux.
« Les Anglais n’ont pas à venir faire la loi chez nous »
Cette scène se serait déroulée dans la nuit du 9 au 10 septembre à Gravelines, une ville près de Calais connue pour être un lieu de départs des canots de migrants vers les côtes britanniques. Les exilés paraissent revenir des eaux françaises. « Ce sont sûrement des personnes qui allaient essayer de traverser [la Manche] ou qui revenaient d’une tentative », rapporte Laura Poignet, co-coordinatrice d’Utopia 56 à Calais, jointe par InfoMigrants. « Cela arrive souvent que des personnes, épuisées et potentiellement traumatisées par une tentative de traversée, se reposent un peu avant de repartir vers leur campement », explique-t-elle.
Les équipes d’Utopia 56 ont été alertées le 10 septembre par des migrants qu’un groupe « d’hommes blancs avec des drapeaux et parlant anglais » les avaient agressés dans la nuit à Gravelines. « Ils ont évoqué des vols, notamment de gilets de sauvetage », indique encore Laura Poignet. « En voyant la vidéo de Ukip fin septembre, on a fait le lien avec cette histoire. Les témoignages présentent d’importantes similitudes avec les actions de ce groupuscule ».
Les humanitaires se disent « très inquiets » par la situation tendue sur le littoral nord. « Les images sont terrifiantes », estime la co-coordinatrice d’Utopia 56.
L’association a envoyé, jeudi 2 octobre, un signalement aux préfectures du Nord et du Pas-de-Calais ainsi qu’à la procureure de Dunkerque. Contactées par InfoMigrants, aucune de ces institutions n’a pour l’heure répondu à nos sollicitations.
L’adjoint à la sécurité de Gravelines, Alain Bonnefas, affirme « déplorer et condamner ces agissements » : « Les Anglais n’ont pas à venir faire la loi chez nous », assène-t-il à InfoMigrants.
Hausse des arrivées au Royaume-Uni
Ce n’est pas la première fois que ce parti britannique d’extrême droite organise des actions d’intimidation dans la région. Début juin, le leader du groupe identitaire, Nick Tenconi, s’était rendu avec d’autres individus à Calais où il a provoqué des tensions – principalement verbales – avec les associations qui procédaient à une distribution de nourriture avec des migrants.
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« Six ou sept personnes ont débarqué dans le lieu de vie avec un mégaphone en haranguant la foule, en disant qu’il s’agissait d’immigrés illégaux et que les ONG étaient complices des passeurs », racontait alors à InfoMigrants Flore Judet, coordinatrice de l’association Auberge des migrants.
Dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux, Nick Tenconi provoquait, à l’aide d’un mégaphone, les bénévoles associatifs, les qualifiant de « communistes », et les accusant de faire venir les migrants au Royaume-Uni. Une fausse accusation fréquente de la part de l’extrême droite britannique. « Les équipes ont eu peur, des gros bras débarquent et viennent déverser leur haine », s’indignait Flore Judet.
Ces scènes interviennent alors que depuis son arrivée au pouvoir en juillet, le Premier ministre britannique Keir Starmer est sous pression pour réduire l’immigration irrégulière face à la montée du parti d’extrême droite Reform UK, en tête des sondages d’opinion. Et ce alors que les arrivées de migrants en Angleterre ne diminuent pas : depuis janvier, plus de 34 000 exilés ont débarqué au Royaume-Uni en traversant la Manche, contre plus de 25 000 personnes recensées à la même période l’an dernier.
Sources: infomigrants




