Deux adolescents tunisiens meurent dans un conteneur frigorifique, à destination de l’Italie
Deux jeunes Tunisiens de 16 et 17 ans sont morts, après avoir passé près de 8h dans le conteneur frigorifique d’un navire en partance pour l’Italie. Deux autres mineurs ont été hospitalisés, et sont « dans un état stable ».
Nouveau drame migratoire en Méditerranée. Deux adolescents tunisiens de 16 et 17 ans sont morts après s’être cachés dans un conteneur réfrigéré sur un navire en route vers l’Europe, a indiqué mardi 23 janvier le directeur de la Protection civile pour la région de Tunis, Mounir Riabi.
Les deux mineurs faisaient partie d’un groupe de quatre jeunes cherchant à émigrer. Ils ont passé environ huit heures dans le froid de cette pièce qui transportait des fruits et des légumes, « avant que l’équipage du navire ne se rende compte de leur présence et ne retourne au port de Tunis ».
Les deux autres ont été hospitalisés et sont « dans un état stable », a précisé Mounir Riabi, en soulignant que le groupe était originaire de régions isolées de l’intérieur du pays.
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Cette affaire intervient dans un contexte tendu en Tunisie. La semaine dernière, une quarantaine de Tunisiens ont disparu en mer, quelques heures après avoir pris la mer à Sfax (centre-est). La Garde nationale a lancé des recherches mobilisant d’importants moyens pour tenter de retrouver les personnes disparues après avoir été alertée par des proches ayant perdu tout contact avec elles.
Un chômage des jeunes à 38%
De janvier à novembre 2023, 77,5% des exilés interceptés en mer par les autorités (plus de 54 000 personnes) étaient des étrangers, en majorité des ressortissants d’Afrique subsaharienne. Mais plus de 15 000 étaient tunisiens. En 2023 également, les Tunisiens représentaient la seconde nationalité des personnes débarquées en Italie, derrière les Guinéens.
Ainsi, entre le 1er janvier et le 31 décembre, 17 304 Tunisiens sont arrivés en Italie après avoir traversé la Méditerranée, soit 50% de plus qu’en 2022.
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L’économie tunisienne, pénalisée par le Covid-19, la guerre en Ukraine et une sécheresse dévastatrice pour son agriculture en 2023, est pratiquement à l’arrêt avec 1,3% de croissance en 2023. Le chômage des jeunes y est par ailleurs très élevé, à environ 38%.
« Vivre en Tunisie n’est plus supportable. On ne peut même plus manger, avait déploré Karim, un jeune Tunisien rencontré par InfoMigrants à Vintimille, en Italie, en septembre 2023. « Je veux construire mon avenir… Aider ma famille au pays, et un jour fonder une famille et me marier ».
Si l’État tunisien met un point d’honneur à rembourser ses dettes (80% du PIB), il manque de liquidités pour procurer à sa population suffisamment de produits de base, ce qui entraîne des pénuries récurrentes de farine, de sucre ou de riz. Pour sortir la tête de l’eau, le pays avait conclu un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt et l’injection de deux milliards de dollars dans son économie. Mais les négociations se sont enlisées quand le président Kaïs Saïed a rejeté les réformes préconisées par l’institution.
Comparution pour « outrage »
Outre ces graves difficultés économiques, la Tunisie est secouée par de fortes tensions politiques depuis le coup de force du président le 25 juillet 2021, accentuées en 2023 par l’emprisonnement des principaux opposants.
Le 10 janvier, Zied El Heni comparaissait dans le pays pour « outrage », face à une ministre du gouvernement tunisien. Journaliste indépendant, il a été convoqué par la police le 28 décembre 2023, après avoir critiqué, à la radio IFM, les résultats de la ministre du Commerce. Le procureur général du tribunal de première instance de Tunis a ordonné son placement en détention le jour même, en vertu de l’article 24 du Décret-loi n° 54, un texte draconien sur la cybercriminalité qui confère aux autorités des pouvoirs étendus permettant de réprimer la liberté d’expression.
« Une honte », pour Amnesty International, qui déplore dans un communiqué que « les autorités tunisiennes persistent à piétiner la liberté d’expression », « alors que le peuple tunisien commémore le 12e anniversaire de la Révolution ».
Depuis que le président Kaïs Saïed s’est accaparé le pouvoir en juillet 2021, l’ONG constate « la détérioration de la situation des droits humains en Tunisie ». En deux ans, au moins 40 personnes ont fait l’objet d’une enquête ou ont été poursuivies uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. Certaines ont aussi été arrêtées et détenues arbitrairement.
Sources : https://www.infomigrants.net/